Villers-au-Tertre. Huit nourrissons enterrés dans le jardin
infanticide
Les cadavres de huit nourrissons ont été retrouvés dans un pavillon et un jardin d'un petit village du Nord. Les parents présumés, âgés de 45 ans environs, sont en garde à vue dans le cadre d'une enquête « criminelle. »
C'est une terrible découverte qu'a faite samedi un habitant de la petite commune de Villers-au-Tertre, à une quinzaine de kilomètres de Douai (Nord). Il venait d'acheter une maison dans cette bourgade de 700 habitants et s'apprêtait à creuser un bassin dans son jardin lorsqu'il a découvert des ossements, vraisemblablement d'enfants en bas âge.
L'homme a immédiatement alerté les gendarmes de la brigade de Douai qui sont venus fouiller la maison et le terrain. Leurs expertises ont confirmé que les restes, vieux de dix ans, appartenaient à deux nourrissons.
Les gendarmes sont alors remontés aux anciens propriétaires des lieux, un couple, tous deux âgés de 45 ans environ, vivant à un kilomètre de là. Ils ont été arrêtés mardi et étaient toujours placés en garde à vue hier soir. Ils pourraient être déférés ce matin au parquet de Douai, qui doit ouvrir une information judiciaire et prononcer une mise en examen.
La femme aurait reconnu être la mère des deux enfants. Une source judiciaire a en revanche réfuté l'information, selon laquelle la femme aurait avoué une dizaine d'infanticides, étouffant systématiquement ses bébés depuis 1988 après avoir dissimulé ses grossesses à son mari.
Aidés de leurs collègues de la brigade spécialisée dans la recherche de restes humains de Gramat (Lot), les gendarmes ont fini par retrouver, les restes des corps de six autres enfants, emballés dans des sacs, au cours de la journée de mardi et hier. Ils se sont notamment intéressés hier au domicile du couple, au «Sentier des Prés», où ils ont découvert d'autres corps. Cette propriété est celle où vivait le couple, l'autre étant celle des parents de la mère, vendue deux ans auparavant.
Hier dans la journée, les hommes de la gendarmerie continuaient de fouiller les moindres recoins de l'habitation, à la recherche d'éventuels nouveaux corps de nourrissons ou d'éléments qui pourraient faire avancer l'enquête.
La grille d'accès de la propriété était condamnée et recouverte de deux couvertures. Les gendarmes avaient, semble-t-il, vidé la piscine pour procéder à de nouvelles recherches.
Que c'est-il exactement passé dans ce pavillon ? Hier, en tout cas, le voisinage du couple était plongé dans la stupeur. Tous les ont décrits comme des gens « avenants, serviables, polis et courtois, qui ne laissaient pas supposer de comportement anormal ». Les deux personnes interpellées seraient par ailleurs les parents de deux filles âgées d'une vingtaine d'années, qui auraient elles-mêmes des enfants.
L'enquête ainsi que les témoignages des parents permettront d'en savoir davantage dans les jours à venir.
Aujourd'hui, le procureur de la République devrait tenir une conférence de presse sur l'une des plus atroces affaires d'infanticides qu'ait connue le pays.
Correspondance spéciale, Erwann Gaucher
Un cas de «néo-naticide»Dr Daniel Ajzenberg, psychiatre à Lavaur, expert auprès des tribunaux.
Huit cadavres de nouveaux nés découverts dans le Nord. Les affaires d'infanticide se multiplient-elles ?
Cela me rappelle la première affaire que j'ai traitée dans les années 1970. Dans la région, un couple d'agriculteurs avait tué neuf bébés. À l'époque, on avait parlé d'un moyen contraceptionnel spontané. Ce nouveau cas d'infanticide dans le Nord est toutefois surprenant par le nombre important de bébés tués, et la répétition meurtrière.
Dans beaucoup d'infanticides, les cadavres de bébés sont placés dans des congélateurs. Pourquoi ?
Selon une interprétation analytique, cela correspondrait pour la mère au besoin de conserver l'enfant comme quelque chose sorti de son corps.
Le déni de grossesse est une des causes possibles des infanticides. Mais cela fait polémique. Pourquoi ?
Quelques psychiatres refusent cette interprétation, mais d'autres l'ont intégrée. Dans le cas d'un véritable déni de grossesse, la mère n'a pas la représentation psychique de l'enfant à naître ; alors son ventre ne grossit pas, et dans beaucoup de cas, le bébé se développe verticalement. Aucun des symptômes de la maternité n'apparaît et n'est visible, ni pour la femme, ni pour son entourage. Inconsciemment, les femmes dans le déni de grossesse n'ont pas la vision de leur bébé. Tout se joue à l'accouchement. Heureusement, dans plusieurs cas, et c'est heureux, le cri du bébé ramène la mère à la réalité, à l'existence de l'enfant, et elle va s'en occuper. Dans d'autres cas malheureusement, le bébé continue à ne pas avoir d'existence pour elle. Soit il mourra par manque de soins. Soit, dans un état confusionnel particulier, la mère peut s'en débarrasser d'une manière ou d'une autre comme d'un objet sans signification pour elle. Dans ces cas de déni, il faut parler de « néo-naticide ».
Recueilli par S. B.
À Villers-au-Tertre, c'est la stupéfaction
Les habitants de Villers-au-Tertre, petit village coquet du Nord, ont réagi avec stupéfaction à la découverte, hier, de huit cadavres de nouveau-nés dans deux maisons de leur voisinage et l'arrestation de leurs parents présumés.
« Ce sont des gens avenants, serviables, polis et courtois, qui ne laissaient pas supposer de comportement anormal », a déclaré un homme d'une cinquantaine d'années vivant à une centaine de mètres d'une des maisons, qui s'est dit très « surpris ». Le mari était même conseiller municipal dans le village.
Comme plusieurs autres voisins, qui ne souhaitaient pas être identifiés, il a insisté pour que les parents présumés ne soient « pas jugés par avance » par les nombreux médias arrivés sur place en début de soirée.
Mercredi vers 20 heures, les gendarmes restaient déployés devant la maison du Sentier des Prés où certains des corps ont été découverts. Ils bloquaient la circulation, mais pas les passants. Deux couvertures recouvraient la grille d'entrée de la propriété.
Des gens normaux, c'est incroyable »
Selon plusieurs voisins, les autres corps auraient été découverts dans la maison des parents de la femme, âgée de 45 ans comme son mari.
Le couple aurait également deux enfants adultes, deux jeunes femmes âgées d'une vingtaine d'années, qui elles-mêmes auraient des enfants. Selon leur voisin d'en face, arrivé en 1997, ils habitaient déjà le village lors de son installation.
« Ce sont des gens normaux, qui ont même un rôle dans la communauté. C'est incroyable », a réagi un troisième voisin, stupéfait également par la soudaine notoriété de son village de 700 habitants, où la circulation a été « multipliée par 30 » au cours de la journée.
C'est un village tranquille, résidentiel, qui n'est pas situé sur un axe majeur. « Ici, c'est un village où on ne passe pas », a résumé ce résident.